Une
exposition "SOLITE, INSOLITE"
LEUNENS
PEINTRE DE LA NUIT
Association Populaire
Art et Culture vendredi 15 mars. Un vernissage pas comme les autres. Une
exposition pas comme les autres: pas de cohue, une sorte de recueillement
et de silence et le peintre Leunens qui présente son oeuvre.
Peintre, Leunens? Sculpteur ? Sur le seuil, on n’ose se prononcer:
on se trouve en présence de grands métaux à l’éclat
contenu, patiné et duveteux... Non, bien que la tentation tridimensionnelle
ait dû être subtile, Leunens reste un peintre, mais avec
une grandeur farouche, franchise, courage. Bien sûr, Leunens n’est
pas de ceux qui s’adressent à qui aime l’anecdotique et le facile
: mais, de nos jours, le grand public ne confond jamais les genres. Bien
que suspecte par son éclat, mais domptée avec tendresse,
la tôle, chez Leunens, atteint la qualité des matériaux
nobles, inédits mais inquiétants. Leunens la respecte, cette
surface plane et se garde bien de la facilité du burin.
Au contraire,
il lui incorpore jusqu’à une totale unicité des déchirures
de métal en fusion, sans jamais, jamais trahir la verticalité
choisie. Profil d’équilibre ambigu, mais se trouvent pris
au piège de la tôle, les orbes puissants et les engrenages
célestes qui nous séduisent sans concession et s’imposent
en hurlant leur silence. D’une immobilité telle qu’on n’est même
pas sûr qu’elle ne nous échappe pas, comme la lente horlogerie
du déroulement des jours et des nuits. Et des nuits. Et des nuits.
Et de la solitude. Leunens ou le peintre de la nuit. Le silence, l’inquiétude,
mais acceptés et non subis, dans une transmutation en métal
sobre. Nul n’est étranger au domaine qu’a choisi Leunens.
Mais ce qu’expose
actuellement ce peintre au Centre Charles Péguy, cela ne se raconte
pas; ça se contemple, comme sa propre solitude, ça se regarde,
ça se voit, ça se ressent. “Solite, insolite”...
E.L.; “La nouvelle République”, 23-24 mars 1968.