GUILLAUME
LEUNENS
Après trois
ans d'absences en Espagne et dans le midi de la France, son tempérament
nordique affrontant les couleurs du sud, un peintre-ouvrier flamand, un
peintre-poète, est revenu à Paris, "pour y voir, dit-il,
ce qu'on y fait et non pour y faire ce qu'on y voit", nous apportant ainsi
un ensemble personnel d'une belle unité.
Y a-t-il exprimé
tout entier son tempérament volubile, intensément passionné,
traversé d'angoisse et de nostalgie? Y a-t-il projeté ses
souvenirs de plaines flamandes sous les saisons dormeuses, les climats
amortis soudain agités de tempêtes, les terres fertiles aux
couleurs sombres, les villes pittoresques aux visages ambigus, les mines
de charbon dévorées de labeur, les usines massives entourées
de vieux murs de style Van Gogh, de style Verhaeren, ou l'atmosphère
indécise où flotte encore l'ombre rêveuse de Rodenbach,
les exubérances des fêtes populaires, les danses truculentes du
folkore, et ses longues solitudes d'enfant sans amour, l'adolescent perdu,
toujours poussé par son idéal et sa riche nature? Tout cet
univers enfin transporté, non décrit, dans sa peinture.
Soit qu’il se confie
en ses poèmes, d’une écriture spontanée, soit qu’il
se projette en ses surfaces brûlées, collées superposées,
râpées et cependant toutes nuances avec sobriété,
dans ses reliefs sans excès coupés à angles droits,
dans ses brasiers rougeoyants, ses minerais calcinés, ses foyers
obscurs, ses masses polies, chauffant comme des plaques de fours, il ne
nous livre pas tous les secrets qui l’inspirent. Un vaste inconscient
lui demeure en puissance, au fond de son désir.
Mais son oeuvre
est là, riche d’existence: il suffit de la contempler pour l’aimer.
Altagor,
Paris,
le 3 avril 1961.
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